« Damia (chanteuse) » : différence entre les versions — Wikipédia


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Peu de temps après la mort de son père, la jeune Louise Marie Damien âgée de {{Nobr|15 ans}}, fuit la demeure parentale de [[Rueil-Malmaison|Rueil]] pour échapper à la maison de correction<ref name="Frémeaux">Frémeaux et associés | Livret rédigé par Eric Rémy pour l’édition du double CD [https://www.fremeaux.com/index.php?page=shop.product_details&category_id=74&flypage=shop.flypage&product_id=197&option=com_virtuemart "ANTHOLOGIE 1926 - 1944"]. consulté le12 octobre 2020.</ref>. {{citation| Je bourlinguais déjà !}}, expliquera-t-elle plus tard<ref name="Frémeaux"/>. Très jeune, elle frôla, semble-t-il, à plusieurs reprises, la maison de correction et trouve finalement un rôle de figuration au [[théâtre du Châtelet]], puis à la Cigale où, affublée de robes ridicules, elle danse en chantant une ritournelle acidulée {{citation|c’est nous les bonbons anglais.}}<ref name="Frémeaux"/>.

=== Premiers spectacles sur scène à l'âge de 18 ans ===

Damia apprend à jouer à l’école du Théâtre libre. Dès [[1909]], elle obtient enfin un vrai rôle<ref name="Frémeaux"/> comme partenaire de [[Max Dearly]] dans ''La Valse chaloupée''<ref name="Damia Le Monde"/>, un spectacle qui rendra populaire la [[valse chaloupée]]. En 1908, Max Dearly et [[Mistinguett]] jouent au [[Moulin-Rouge]] avec ce nouveau spectacle humoristique de danse qui remporte un franc succès<ref name="Frémeaux"/> et qu’ils projettent de jouer sur la scène du fameux [[Hôtel Savoy|Savoy]] de [[Londres]]<ref name="Frémeaux"/>. Cependant, avant leur représentation à Londres, Mistinguett est déclarée ''[[persona non grata]]'' sur le territoire britannique<ref name="Frémeaux"/> pour cause d’ « indécence », au motif principal qu’elle chantait les jambes écartées<ref name="Frémeaux"/>. On demande alors à la jeune Louise Marie de la remplacer au pied levé dans ce rôle de « ''Gigolette, fleur de printemps'' »<ref name="Frémeaux"/>. ''La Valse chaloupée'' reprendra ensuite vers 1909 de nouveau avec [[Mistinguett]] au [[Théâtre des Variétés]]<ref name="la valse chaloupée">Comité d'histoire BNF "[http://comitehistoire.bnf.fr/dictionnaire-fonds/max-dearly Max Dearly]". consulté le12 octobre 2020.</ref>.

Damia est alors remarquée par Roberty, le mari de la « grande » [[Fréhel (chanteuse)|Fréhel]] qui lui donne des cours de chant et avec lequel elle aura beaucoup plus tard une [[Relation amoureuse|liaison]].

=== Débuts dans la chanson française ===

À son retour d’Angleterre en 1911, elle débute comme chanteuse et commence à se produire sur la scène de [[café-concert|cafés-concert]]s tels que la [[La Pépinière-Théâtre|Pépinière-Opéra]], le [[Petit Casino de Paris|Petit Casino]] et l'[[Alhambra (Paris)|Alhambra]]<ref name="Frémeaux" />. Elle fait aussi quelques représentations à [[Bal Tabarin|Tabarin]]<ref name="Damia Le Monde" />.

Elle devient la tête d'affiche<ref name="Damia Le Monde"/> d’un spectacle du « [[Concert Mayol|caf' conc']] » de [[Félix Mayol]], de la [[Théâtre de la Gaîté-Montparnasse|Gaieté-Montparnasse]], du [[Casino de Paris]], de [[Bobino]], de [[l'Européen]], de [[Théâtre des Folies-Wagram|l'Étoile]]<ref name="Damia Le Monde"/>. [[Sacha Guitry]] prétend qu'il lui a conseillé le fourreau noir, dessiné sa silhouette et imposé un style aux chanteuses réalistes qui lui succéderont, telles qu'[[Édith Piaf]] et [[Juliette Gréco]]. Mais dans une entrevue radio, elle dit que l'idée de la robe noire est venue de Max Dearly. Elle impose une rupture scénique en abandonnant les décors au profit du seul rideau noir. Elle chantait sans micro, robe noire, rideau noir, elle fut la première chanteuse en noir <ref>[https://bibliobs.nouvelobs.com/documents/20101209.OBS4424/la-dame-en-noir.html Delfeil de Ton, La dame en noir, le Nouvel Observateur du 9 décembre 2010]</ref>. Son esthétique scénique s'inscrit dans l'[[expressionnisme]] et la rénovation dramatique de [[Jacques Copeau]]<ref name=lemonde>« Damia, première des dames en noir », ''Le Monde'', 21 janvier 2017</ref>.

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{{Citation|La voix ample profonde, prête à se briser pleine "de sanglots et de révolte mêlés"}}, selon l'expression du romancier [[Henri Béraud]]<ref name="Damia Le Monde"/>, qui écrit de nombreux textes à mettre en musique, Damia dans un fourreau noir stylisé, s’illustre en chantant et en interprétant les mélodrames, les rengaines des faubourgs et ce, avant l'époque du micro, de la radio et de la télévision<ref name="Damia Le Monde"/>.

=== Premiers enregistrements sonores de ses chansons ===

En {{date-|décembre 1926}}, après avoir refusé plusieurs fois et pendant de nombreuses années les propositions au prétexte que sa voix gravée sur cire était déformée<ref name="Damia 3/4">France musique | émission "Tour de chant" du journaliste historien musical [[Martin Pénet]] [https://www.francemusique.fr/emissions/tour-de-chant/damia-3-4-58251 Damia 3/4 diffusée du dimanche 11 février 2018]. consulté le13 octobre 2020.</ref>, elle prend conscience que le public demande à posséder ce nouvel objet de fétichisme musical<ref name="Damia 3/4" /> qu’est le disque enregistré. Son succès sur scène à l’époque est tel qu’on voulait avoir un bout de Damia chez soi<ref name="Damia 3/4" />. Elle se laisse donc finalement convaincre par la maison de disque ''[[Disques Odéon|Odéon]]'' d’enregistrer ses premiers disques EP 78 tours qui sortiront début 1927<ref name="Damia 3/4" />. À cette époque , la firme de disques odéon inaugure l’enregistrement électrique fraichement importé des États-Unis<ref name="Damia 3/4" />, une innovation fondamentale qui va révolutionner le marché du disque et la carrière de Damia<ref name="Damia 3/4" />. Dès 1927, elle va enregistrer la plupart de ses nouvelles créations, comme le confirme Francesco Rapazzini, auteur de la biographie « Damia, une diva française »<ref name="Damia 3/4" />. Après deux années passées chez Odéon, elle va signer brièvement pour quelques disques chez [[Pathé-Marconi|Pathé]] et [[Disques Perfectaphone|Perfectaphone]]<ref name="Damia 3/4" />, puis Damia fait son entrée chez [[Columbia Records|Columbia]], une marque angloaméricaine nouvellement implantée en France avec une filiale française et dont {{citation| la qualité d’enregistrement surpasse toutes ses concurrentes}}<ref name="Damia 3/4" />.

Si les premiers enregistrements sont jugés décevants : sa voix est nasillarde et les orchestrations sont mauvaises<ref name="Damia 3/4"/>, en revanche à partir de 1930, elle devient la compagne du directeur artistique de la Columbia, ''[[Jean Bérard]]'' et elle devient une fervente adepte des enregistrements de disques<ref name="Damia 3/4"/>.

=== Succès populaires dans les années 1930 ===

Elle deviendra petit à petit l’interprète inoubliable qui chantait les bras en croix ou posés sur la poitrine<ref name="Damia Le Monde"/> de chansons à texte qu’elle transforme en succès publics : ''« Mon Matelot », « Le Grand Frisé », « Les Ménétriers », « La Veuve », « La Mauvaise Prière », « Le ciel est par-dessus le toit »'', (un poème de [[Paul Verlaine|Verlaine]] mis en musique par [[Reynaldo Hahn]])<ref name="Damia Le Monde"/>. ''« Les Goélands»'' de [[Lucien Boyer (chansonnier)|Lucien Boyer]] restera sa chanson fétiche sur scène jusqu’à la fin de sa carrière.

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Le {{date-|28 février 1936}}, Damia enregistre la chanson [[wikt:suicidogène|suicidogène]] ''[[Sombre Dimanche (chanson)|Sombre Dimanche]]'', une complainte hongroise<ref name="Frémeaux"/> titrée ''Szomorú Vasarnap'' signée Laszlo Javor et [[Rezső Seress]], remise en version française par [[Jean Marèze]] et [[François-Eugène Gonda]]<ref name="Sombre dimanche">Discogs | EP 78 RPM [https://www.discogs.com/fr/Damia-Sombre-Dimanche-Chanson-Hongroise-Cest-La-Guinguette-Java/release/7201422 "Damia – Sombre Dimanche (Chanson Hongroise)"]. consulté le12 octobre 2020.</ref>. Son compositeur, pianiste de [[Budapest]], est accusé d’avoir engendré par sa tristesse mélodramatique plusieurs suicides<ref name="Damia Le Monde"/> , la chanson est ainsi est interdite d'interprétation au public dès sa création<ref>[https://books.google.fr/books?id=m7yxSCKb7QQC&pg=PT398&dq=Damia+%2B+sombre++dimanche&hl=fr&sa=X&ei=ob_uVJ3kKcXnUrLHgagE&ved=0CB8Q6AEwADgK#v=onepage&q=Damia%20%2B%20sombre%20%20dimanche&f=false Gilles Verlant, Jean-Eric Perrin, L'intégrale Gainsbourg, Fetjaine]</ref> en Hongrie<ref name="Frémeaux"/>. [[Georgius]] ne manqua pas de la parodier avec son « Triste Lundi ». Mais la chanson continuera son destin tantôt maudit puisqu'on la retrouvera bientôt sous le titre de ''[[Sombre Dimanche (chanson)|Gloomy Sunday]]'' chanté par [[Billie Holiday]]<ref name="Frémeaux"/>.

=== Déclin artistique depuis l'après-guerre ===

Adulée par le public durant l'[[entre-deux-guerres]], elle est occultée après l'[[Europe sous domination nazie|Occupation]] par de plus jeunes idoles, notamment [[Édith Piaf]]<ref>{{Lien web |titre=La dame en noir |site=bibliobs.nouvelobs.com |date=23 décembre 2010 |url=http://bibliobs.nouvelobs.com/documents/20101209.OBS4424/la-dame-en-noir.html |consulté le=2017-01-22}}.</ref>. Elle triomphe cependant dans un récital à [[Salle Pleyel|Pleyel]] en [[1949]] mais elle recueille de mauvaises critiques : on lui reproche de ne pas se renouveler<ref name="Movie musical world"/>. En [[1953]], elle fait une tournée au [[Japon]] où elle obtient un succès aussi considérable qu’inattendu<ref name="Movie musical world"/>, le public japonais raffole de sa version de ''Sombre dimanche''<ref name="Movie musical world"/>. Elle modernise son répertoire avec des titres de jeunes auteurs et remonte sur les planches à Paris en [[1954]] à l’[[Olympia (Paris)|Olympia]]<ref name="Damia Le Monde"/>, avec en première partie [[Jacques Brel]], alors débutant, puis [[Marie Dubas]].

Mais la chanteuse réaliste, alors sexagénaire, cantonnée à une figure de la [[Belle Époque]] égarée dans une autre modernité est jugée comme n’étant plus au goût du jour<ref name="Frémeaux"/>. Lorsqu’elle interprétera des chansons modernes du jeune Léo Ferré sur la scène de l’Olympia, le public irrespectueux cria « A la retraite ! », considérant à juste titre qu’elle en faisait trop<ref name="Frémeaux"/>. Elle tombe malade et tire sa révérence de la scène en [[1955]]<ref name="Frémeaux"/> , elle se retire définitivement du métier<ref name="Damia Le Monde"/>.

En 1963, l’[[Académie Charles-Cros]]<ref name="Damia GPDisque 1963">Cf. [https://www.gettyimages.fr/detail/photo-d'actualité/singer-damia-nicknamed-the-tragedian-of-the-french-photo-dactualité/501803174 Remise du grand Prix du Disque 1963 : Damia]. consulté le 6 novembre 2018.</ref> lui décerne son Grand Prix pour son disque ''Les Belles Années du Music Hall<ref name="Les goélands">Cf. [https://www.discogs.com/fr/Damia-Les-Belles-Années-Du-Music-Hall/release/8715438 Album de Damia : Les goélands]. consulté le6 novembre 2018.</ref>'', une compilation. Cette consécration tardive sonne un peu comme un repentir d’oubli de la part de l’académie, mais aussi comme une occasion unique de lui rendre le plus beau des hommages puisque la remise des prix se fait sous le haut patronage du président de la République Française et alors que cela fait huit années qu’elle s’est retirée du [[Music-hall]].

Baptisée « la tragédienne de la chanson »<ref name="Damia Le Monde"/>, elle est aussi admirée par des écrivains de tous bords, de [[Jean Cocteau]] à [[Robert Desnos]]. Plus tard, des cinéastes comme [[Jean Eustache]], [[Aki Kaurismäki]] ou [[Claude Chabrol]] refont entendre ses chansons.