Claude Marin Henri de Montchenu


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Claude Marin Henri de Montchenu (1757-1831), communément appelé Marquis de Montchenu par courtoisie[1] est un officier français de l'ancien régime nommé commissaire français à Sainte-Hélène de 1816 à 1821, durant l'exil de Napoléon Bonaparte.

Claude Marin Henri de Montchenu
à compléter
De gueules à la bande engrêlée d'argent.

Titre Marquis, par courtoisie.
(1757-1831)
Biographie
Dynastie Famille de Montchenu
Nom de naissance Claude Marin Henri de Montchenu
Naissance
Thodure (Isère)
Décès (à 74 ans)
Dieppe
Père Joseph de MONTCHENU
Mère Henriette Dominique de MURAT de LESTANG
Conjoint Catherine Louise de MAUPEOU 1768-1824
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Issu d'une ancienne famille du Dauphiné, il est le fils ainé de Joseph de MONTCHENU, Baron de Montchenu - Seigneur de Thodure - Chevalier de Saint-Louis 1705-1769 et de Henriette Dominique de MURAT de LESTANG 1735-/1790; il naquit le à Thodure (Isère)[2]. Il est le frère ainé de Victor François de Montchenu. Il entre au service en 1772 comme chevau-léger de la garde du roi; capitaine en 1779, lieutenant au régiment Mestre de camp général dragons en 1775, il est nommé Mestre de camp en second en 1783 et rempli les fonctions de son grade jusqu'à la nouvelle organisation de l'armée en 1791. C'est à cette date qu'il émigre et rejoint le comte de Provence, futur Louis XVIII, à Coblence. On le fit premier aide maréchal des logis dans les cantonnements du Pays-Bas autrichiens et à la vérité, selon Frédéric Masson: « Il ne vit jamais l'ennemi[3] ».

Peu avant son émigration, il s'était marié le avec Catherine Louise de MAUPEOU 1768-1824. Son épouse, restée en France, et bien que leur château fut pillé, ruiné et confisqué, réussit à lui envoyer quelques subsides[4]. Au tout début du Consulat elle obtint l'autorisation pour son retour en France avec notamment l'appui des deux Consuls Lebrun et Cambacérès. Le couple se fixa à Lyon sans attirer d'attention particulière durant le Premier Empire. Lors de la Première Restauration il se présenta au Congrès de Vienne, sans aucune raison apparente[5]. Il s'octroya le titre de Marquis et, faisant l'important, il s'insinua auprès de Talleyrand[5]. Il rejoint plus tard le Roi à Gand et rentra en France avec lui.

Commissaire de France à Sainte-Hélène

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Dès le mois d'Août 1815 Montchenu fut informé de sa nomination comme commissaire de S.M.T.C.[note 1] sur l'île de Sainte-Hélène que le Roi signa le [6]. Pour sa mission de commissaire, Montchenu reçu des instructions précises du Duc de Richelieu : S'assurer de la présence de Napoléon sur l'île, rapporter tout ce qu'il pouvait entendre ou savoir sur l'île, mais n'entretenir aucune relation avec les exilés de Longwood et surtout, ne se mêler en rien des décisions prises par le Gouverneur anglais de l'île chargé de la captivité de l'Empereur[7].

Le , Emmanuel de Las Cases notait: « Il a demandé la calèche pour faire un tour avant déjeuner. Au moment de monter, on est venu nous dire que le Newcastle et une autre frégate, l'Oronte étaient devant le port . . . Les commissaires des puissances étaient à bord[8] ». O'Meara, médecin de l'Empereur à Sainte-Hélène, lui rapporta l'arrivée de Montchenu : « Comme je faisais partie d'un groupe d'officiers, sur la terrasse qui fait face à la maison de l'amiral, il s'approcha de moi, et me dit en français : "Pour l'amour de Dieu, faites moi savoir si quelqu'un de vous parle français, car je ne sais pas un mot d'anglais. Je suis venu finir mes jours au milieu de ces rochers, dit-il en montrant Ladder Hill, et je ne connais pas la langue." Napoléon rit beaucoup, et répéta plusieurs fois, bavard, imbécile. »[9]

Le , lors d'une longue entrevue, le Gouverneur aborda la question des commissaires. L'empereur lui fit comprendre qu'il les recevrait volontiers en tant que particuliers, sous entendant non en tant que commissaires. Même Montchenu qui, disait il, avait été « son sujet dix ans », que c'était lui qui l'avait « rendu à sa patrie et probablement fait retrouver une partie de ses biens[10] ».

L'histoire est bien connue : Napoléon avait pratiqué un trou dans la lame d'un volet pour y placer sa lorgnette et observer sans être vu. C'est ainsi que Marchand raconte la première approche, timide, hésitante et infructueuse de Monchenu et des commissaires : « La première fois qu'ils vinrent à Longwood, ils s'approchèrent jusqu'à la porte du fossé d'enceinte … Ils ne cherchèrent pas à entrer plus avant. L'Empereur … me demanda sa longue vue et, par un trou pratiqué dans la lame de la persienne, les vit parfaitement[11] ».

Ils ne virent jamais Napoléon. Seul Montchenu, dernier des commissaires à être resté, vit la dépouille le , lendemain de sa mort. Marchand raconte la scène : « Cette visite avait pour but de constater par lui-même …. Le Marquis de Montchenu fit d'abord un signe de la tête, puis ensuite dit : Oui, je le reconnais[12] ».

Il ne fut pas vraiment très apprécié de ses contemporains.

Napoléon, qui l'avait connu dans sa jeunesse à Valence, dit de lui: « Quel bavard ! Quel imbécile ! Quelle folie d’envoyer ici des commissaires sans charges et sans responsabilités. Je connais ce Montchenu. C’est un vieux con, un bavard, un général de carrosse qui n’a pas senti la poudre. Je ne le verrai pas[13] ».

Le Comte de Balmain[note 2] fit beaucoup rire sa cour en rapportant le trait et rajouta « Ce qu'il y a de fâcheux, c'est que le portrait est ressemblant[14] ». Plus tard Napoléon rajoutera : « C'est un de ces hommes qui peuvent accréditer dans le monde l'ancien préjugé que les Français ne sont que des saltimbanques ».

Talleyrand, qui l'avait pourtant choisi, dira: « C'est un bavard, ignorant et pédant, l'homme le plus ennuyeux du monde[14] ». O'Meara, médecin de l'Empereur à Sainte-Hélène, sera catégorique : « Le marquis est bien bouffon pour un ambassadeur ».

Barthélemi de Stürmer, commissaire autrichien sur l'île de Sainte-Hélène, l'a beaucoup blâmé; il écrivait même à Metternich : « Son uniforme de général, dont il se plait à faire parade dans toutes les occasions, n'est qu'une arme de plus qu'il donne à la critique, car tout le monde sait qu'il n'a jamais entendu tirer un coup de fusil[15] ».

Dans un même temps, aveuglé par sa propre vanité, Montchenu écrivait à un ami « le grade de général me donne ici une grande considération auprès de la garnison, l'on me rend les honneurs partout et tout cela me donne beaucoup de facilité d'autant que plusieurs parlent français. Tu n'as jamais eu une meilleure idée que de me conseiller de prendre le titre de marquis qu'ils comparent à celui d'Angleterre aussi personne n'oserait m'appeler général pas même le gouverneur n'y l'amiral, c'est toujours monsieur le Marquis [16] ».

Jusqu'à M. de Gors, son propre secrétaire sur l'île, qui dit de son maître : « Il a beaucoup jasé, beaucoup blâmé ce qu'il ne faisait pas, et jamais agi quand il était temps[17] ».

Dans les notes des "Mémoires de Marchand" publiées par Jean Bourguignon et Henry Lachouque il est dit que Montchenu avait un fort appétit et acceptait toutes les invitations au point que les Hélénois l'appelleront « Montez-chez-nous »[18].

Galant homme, il s'avisa de conter fleurette à Lady Lowe, l'épouse du Gouverneur, qui montrait, non sans malice, une lettre brûlante de 8 pages signée par l'amoureux commissaire[18]. Bertrand le défendra disant qu'il ne s'agissait que d'une lettre d'excuses où le Marquis se mettait "aux pieds" de Lady Lowe et que d'ailleurs les étrangers ne comprenaient rien à la galanterie française[19].

Les différents rapports qu'il envoya au Duc de Richelieu nous le montrent, peut être, plus préoccupé par le montant de ses traitements que par sa mission, mais il sut habilement tirer partie d'une situation délicate, ne trompa pas la confiance du Duc et, somme toute, rempli sa mission en rapportant fidèlement ce qui se passait sur l'île.

Il quitta l'île le 1821 sur le même vaisseau qui ramenait les fidèles compagnons de Napoléon.

Il décède le à Dieppe.

  • Jean Tulard, Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, (ISBN 2-213-02035-3), « Commissaires étrangers »
  • Emmanuel Las Cases, Thierry Lentz, P. Hicks, F. Houdecek et C. Prévot, Le mémorial de Saint-Hélène. Le manuscrit retrouvé, Paris, Editions Perrin, (ISBN 978-2-262-09642-7)
  • Georges Firmin-Didot, La captivité de Sainte-Hélène : d'après les rapports inédits du marquis de Montchenu, Paris, (Paris), (lire en ligne).
  • Louis Joseph Marchand, Mémoires de Marchand, Paris, Taillandier, (ISBN 2-84734-077-7)
  • Frédéric Masson, Autour de Sainte-Hélène. Le marquis de Montchenu, commissaire de S. M. T. C., Paris, (Paris), (lire en ligne)
  • Michel Dancoisne-Martineau, le Marquis de Montchenu, (lire en ligne)
  • Saint-Cère, Napoléon à Sainte-Hélène : rapports officiels du baron Sturmer, commissaire du gouvernement autrichien, (lire en ligne)
  • Henri Gatien Bertrand et Paul Fleuriot de Langle (déchiffrement et notes), Cahiers de Sainte-Hélène (1816-1817), Paris, Albin Michel, , 367 p.
  • Barry E. O'Meara, Napoléon en exil à Sainte-Hélène Tome I, Paris, chez PLANCHER, , 184 p.
  • Barry E. O'Meara, Napoléon en exil à Sainte-Hélène Tome II, Bruxelles, chez VOGLET, , 322 p.
  1. S.M.T.C. : Sa Majesté Très Chrétienne.
  2. Alexandre Antonovitch Ramsey de Balmain (1779-1848)-Commissaire russe.
  1. Masson 1909, p. 4.
  2. Masson 1909, p. 6.
  3. Masson 1909, p. 8.
  4. Masson 1909, p. 10.
  5. a et b Masson 1909, p. 14
  6. Masson 1909, p. 16.
  7. Firmin-Didot 1894, p. 8.
  8. Las Cases 2022, p. 643.
  9. O'Meara Tome I 1822, p. 53.
  10. Las Cases 2022, p. 684.
  11. Marchand 2003, p. 349.
  12. Marchand 2003, p. 572.
  13. Dancoisne-Martineau 2018
  14. a et b Tulard 1987, p. 444
  15. Saint-Cère 1888, p. 16.
  16. sur le départ pour Sainte-Hélène (s.l.) lettre à son ami 1816.
  17. Firmin-Didot 1894, p. 30.
  18. a et b Marchand 2003, p. 700
  19. Bertrand 1959.